Les noirs dessins de Zonder
À la sortie de l’École des Beaux-Arts de Paris en 2001, Jérôme Zonder décidait de ne dessiner qu’en noir et blanc et de ne jamais utiliser de gomme. Un choix plutôt radical. Qui aurait sans doute été anecdotique si l’artiste n’avait développé un univers très personnel. Ses œuvres (souvent de très grands formats), réalisées essentiellement à la mine de plomb et au fusain, suscitent à la fois admiration et effroi. « En 2009, une montée de violence me semblait palpable. J’ai commencé une série consacrée aux enfants du siècle, alors âgés de neuf ans, autour du thème de leur anniversaire les faisant rejouer des événements de l’actualité récente, où violence, enfance, cruauté et amour s’entremêlaient. » Au fur et à mesure des années, les enfants sont devenus des adolescents, mais sont restés toujours aussi cruels. Scènes d’exécution et de torture hantent l’artiste, qui a également travaillé sur la Shoah. « Intuitivement, la violence a depuis le début orienté le choix des sujets dans mon travail et organisé le rapport que je voulais entretenir avec sa matérialisation. II s’agit de la violence dont on hérite et de la violence du monde au présent. La radicalité du dessin coïncide, dans mon esprit, avec de fortes intensités qui sont le plus à même de rendre sensible ce que je veux donner à voir. »
Antoine de Galbert, le fondateur de la Maison Rouge à Paris, collectionne Jérôme Zonder depuis 2004. Il a décidé de lui ouvrir les portes de son espace. « Ce qui m’a beaucoup plu est le ton porté sur un mode bande dessinée, comique et sombre, à la manière de Crumb. J’étais autrefois passionné par ce médium, j’ai donc été naturellement happé par cet aspect, qui m’a ensuite ouvert le chemin sur le reste de son œuvre. » Jérôme Zonder a investi la Maison Rouge avec le même maximalisme que pour sa démarche artistique. Les murs, le sol sont entièrement recouverts de dessins au feutre, au crayon, dans une profusion maniaque. Sur cette œuvre démesurée sont accrochés les dessins de l’artiste. Le visiteur progresse dans ce labyrinthe angoissant, en proie à la fascination et à la répulsion. Il plonge littéralement dans l’univers de l’artiste, sans pouvoir y échapper. Certains trouveront sans doute cette prise d’otage intolérable. Mais l’artiste veut placer chacun de nous face à la violence de l’humanité, notre propre violence, et nous faire nous interroger sur la façon dont nous l’évitons, la nions ou la combattons.