Martial Raysse, le grand écart pictural à Beaubourg
Le Centre Pompidou consacre une rétrospective à l’artiste français Martial Raysse, aujourd’hui âgé de 78 ans. Après un début de carrière en fanfare dans les années soixante, l’artiste choisit de s’isoler du monde de l’art dans lequel il ne se reconnait plus. Il accorde peu d’interviews, expose rarement. Il multiplie également les ruptures artistiques, explorant des voies très diverses, voire antinomiques, art du bricolage, frises académiques, portraits colorés un peu naïfs. L’intérêt de collectionneurs, comme François Pinault, Marin Karmitz, pour ses œuvres tardives a provoqué un regain d’attention pour cet artiste atypique, qui n’a pas eu peur de désorienter son public. Cette exposition parisienne a le mérite de présenter le cheminement créatif d’un peintre et sculpteur contemporain avec ses reniements, ses ratages, sa variété.
La Grande Odalisque
Martial Raysse, artiste autodidacte, commence sa carrière avec la couleur, la fantaisie. Il s’empare des objets du quotidien pour créer des assemblages. Il détourne les images de la publicité, les figures des pin-up pour créer des peintures aux couleurs acidulées, au graphisme puissant, proches du Pop Art américain. L’artiste explique ainsi cette période : « La tristesse humaine était à la mode et Buffet du dernier chic avec ses figures tragiques et ses cernes sous les yeux. Je voulais exalter le monde moderne, l’optimisme et le soleil. Peindre la tristesse ne peut être que le jeu snob d’une inconscience maladive ! La mort est bien assez affreuse, suffisamment inquiétante*. » La Grande Odalisque, la peinture en illustration, est tirée de la série Made in Japan, s’inspirant de cartes postales d’art. Martial Raysse y détourne des chefs-d’œuvre de la peinture classique reproduits en masse, qu’il affuble de couleurs criardes, et de détails en volume, comme ici de la passementerie. Une mouche en plastique fait référence aux vanités anciennes, où l’insecte symbolise le mort, la beauté éphémère.
Le Carnaval à Périgueux
Après un séjour aux États-Unis, Martial Raysse revient en France pour participer aux événements de mai 1968. Il sort désenchanté de cette expérience. Il délaisse les couleurs et le style joyeux de ses débuts, affirmant : « Le Pop Art, maintenant, c’est le bon goût international, il est à la portée de tous les petits rentiers de la peinture, comme ce fut le cas pour l’informel. À fuir. » Il compose alors des œuvres s’inspirant des cultures populaires, des philosophies orientales ou au contraire faisant référence à l’histoire de l’art. La palette éclatante est abandonnée : les tons sont rompus, parfois un peu sales, le dessin souvent malhabile. Le Carnaval à Périgueux, une œuvre de 1992, que je vous montre ici, s’inscrit dans une série de très grands formats évoquant les frises anciennes. « La frise, ça m’est naturel. Dans les dessins abstraits que j’ai faits avant le Pop, il y avait beaucoup de frises. Dans l’histoire de la peinture, c’est ce qui marche le mieux, tous les grands tableaux sont des frises. Ça permet deux choses très ambivalentes : être dynamique tout en étant héroïque. » Les personnages sont représentés à taille réelle, l’arrière-plan rappelle le fond de scène d’un théâtre. L’artiste y mélange figures prosaïques et mythologiques, dans une atmosphère à la fois inquiétante et farceuse, que je rapprocherai des scènes de genre des primitifs flamands. Martial Raysse ne souhaite révéler aucune des clefs de l’iconographie de ses tableaux. À chacun d’interpréter à sa guise cette réflexion sur la condition humaine !
Personnellement, je suis beaucoup plus sensible aux œuvres Pop art que celles plus tardives, à la palette plus incertaine. Et vous ? Êtes-vous allé voir l’exposition à Beaubourg ? Quelles sont vos peintures préférées ?
Infos pratiques :
« Martial Raysse Rétrospective 1960 – 2014 », 14 mai – 22 septembre 2014, Centre Pompidou, Paris.
* citations tirées du dossier de presse
1 réponse
[…] Le Centre Pompidou propose une rétrospective exceptionnelle de l'artiste français Martial Raysse. […]